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29 Août 2025

« Ici on vit le défi de l’espérance », la mission d’évangélisation de sœur Anne en Amazonie

Par Jean-Benoît Harel

Dans la forêt amazonienne à Lindoia, trois religieuses œuvrent à faire connaître le Christ à une population indigène locale. Après le Synode sur l’Amazonie (ndlr. 2019), les Auxiliaires du sacerdoce dont fait partie sœur Anne, ont décidé d’apporter la proximité de Dieu dans cette région du monde aux difficultés multiples. « Ici, on est dans la vérité de l’Humanité », assure-t-elle.
« Dieu ne nous appelle jamais dans des impasses ». Depuis leur petite maison de Lindoia, en pleine forêt amazonienne, trois sœurs consacrées s’attachent chaque jour à annoncer la Bonne Nouvelle. Elles mènent ce travail d’évangélisation auprès des 3000 habitants de Lindoia, mais également auprès de la douzaine de communautés catholiques rurales.

Ces « communautés ecclésiales missionnaires » comptent en moyenne deux ou trois familles, gérées par un coordinateur, qui réunit la communauté le dimanche. Mais la réalité n’est pas si évidente, comme l’ont rappelé les débats lors du synode sur l’Amazonie. C’est d’ailleurs à la suite de ces réflexions que les trois sœurs ont quitté la ville d’Itacoatiara, pour le village de Lindoia. « Nous avions un peu l’impression qu’on passait à côté du cœur de l’Amazonie », témoigne sœur Anne, responsable de la petite communauté religieuse. « Un grand défi parce que c’est une toute autre réalité ».

« Des défis joyeux »

Avec deux sœurs originaires du sud du Brésil, une région plus riche et éloignée des réalités amazoniennes, elles poursuivent le travail d’un prêtre missionnaire, puis d’un laïc, partis tout deux plusieurs années avant elle. « Beaucoup de communautés s’étaient d’ailleurs arrêtées », poursuit la consacrée. « Mais ce sont des défis joyeux parce que la plupart des gens ont soif d’une vie communautaire, d’une vie d’Église, le besoin de se réunir, le besoin de solidarité existent ».

Sur le territoire qui leur est confié par l’évêque local, on compte une douzaine de communautés, d’environ dix personnes, « soit environ 200 personnes en comptant celles qui ne viennent que pour la fête du saint patron ». Car la mission en Amazonie consiste d’abord à créer des rencontres, des occasions de discussions, et les fidèles aiment à inviter leurs proches pour célébrer le saint dont ils portent le nom.

Une liturgie simplifiée

Arrivées en juillet 2024 à Lindoia, les sœurs appartenant à la congrégation des Auxiliaires du sacerdoce ont commencé par le plus urgent: « célébrer et faire le catéchisme ». Mais en Amazonie, rien n’est évident.

D’abord, personne ou presque ne se déplace, les routes sont souvent dangereuses et le coût du transport trop élevé, même en moto. Les sœurs utilisent un véhicule tout-terrain fourni par le diocèse, pour rendre visite aux groupes de catholiques. Basées à Lindoia, où elles assurent une prière quotidienne et une célébration dominicale, elles se rendent le dimanche dans une des douze communautés. Seules deux communautés locales disposent d’une église, « une sorte de hangar », pour se réunir. Pour les autres, le culte se fait dans les maisons d’habitation.

La liturgie a été simplifiée, la majeure partie de la population étant analphabète. Après l’écoute de la Parole de Dieu, vient le temps plus convivial. « C’est peut-être là qu’il se passe le plus de choses significatives », s’interroge sœur Anne. Des temps de formations sont organisées pour les fidèles, pour former des responsables de communautés. « Pour l’instant il n’y en a quasiment aucun, les gens n’ont pas de formation, ils ne savent pas comment célébrer, ils n’osent pas prendre des responsabilités ».

Les familles se retrouvent entre elles dans ces hameaux où l’étincelle de la foi peut jaillir d’un rien. « Il suffit d’une famille missionnaire pour faire rayonner la foi », par exemple lors des fêtes patronales, pour organiser par exemple un repas suivi d’un loto.

Proposer les sacrements

Célébrer les sacrements relève aussi d’une gageure. Lors des offices dominicaux, malgré la réserve eucharistique qui permet de communier en l’absence de prêtre, aucun des fidèles ne communie car aucun n’a fait suffisamment de catéchisme ou même sa première communion. « Donc c’est assez difficile pour nous qui célébrons, au moment de proposer l’hostie, de voir que personne ne s’approche », témoigne sœur Anne.

Il en va de même pour les mariages, arrangés dès la naissance des bébés devant le cacique (ndlr. chef) du village selon la tradition locale, et pour lesquels il n’est pas évident de trouver un lien avec le mariage chrétien. Aucun baptême n’est prodigué non plus, explique la consacrée: « on a l’autorisation de baptiser, mais on évite de le faire », en raison de la grande fluidité des fidèles avec la douzaine d’autres églises chrétiennes pour un si petit nombre de personnes. « Si l’église à côté propose des colis alimentaires ou une formation professionnelle, les gens vont dans l’autre église. Mais ils reviennent à l’église catholique qui n’exige pas des fidèles de payer le denier du culte ».

Même le prêtre chargé de venir célébrer une fois par mois à Lindoia est régulièrement empêché. « C’est rare qu’on ait une messe. L’eucharistie est source et sommet de notre foi et donc ici c’est une grande question, c’est un peu tous les piliers qui disparaissent, qui n’existent pas et donc il faut retrouver du sens », explique la religieuse, née dans le XVIIe arrondissement de Paris.

Soeur Anne présidant une célébration.

Acculturation

Les fidèles de la région de Lindoia sont issus de deux tribus indigènes, l’effort d’acculturation est donc indispensable. « Jésus s’est incarné dans une culture, dans une époque, dans une histoire. Donc, pour que chacun puisse comprendre comment Jésus va le sauver, il faut utiliser les gestes et les symboles de sa culture ». Les trois sœurs s’appuient sur les campagnes nationales de prière comme celle de Carême, le mois de la Bible en septembre ou de la Mission en octobre, dans un pays qui compte 13% des catholiques du monde entier.

Véritables piliers de la transmission de la foi, les trois sœurs affrontent « le défi de l’espérance » pour l’avenir des fidèles en Amazonie. L’exode rural menace la survie des villages locaux, les jeunes préférant trouver un travail en ville que cultiver le manioc ou fabriquer du charbon, des travaux ingrats et difficiles. D’autres partent pour fuir le trafic de drogue, ou éviter la corruption. « Après les élections municipales, tous les fonctionnaires ont été remplacés, notamment les professeurs, parce que le maire a promis des emplois à ses proches. On se retrouve alors avec des gens parfois inexpérimentés ou qui n’ont pas forcément envie d’être là », regrette sœur Anne, pointant un système éducatif déplorable qui freine d’autres trajectoires de vie.

Avoir le cœur ouvert

Malgré toutes ces difficultés, sœur Anne et ses deux consœurs continue à vivre leur mission: « on rencontre des gens qui sont très demandeurs, qui nous attendent ». Se laisser bouleverser par les autres, c’est aussi l’une des leçons que retient la religieuse. «Ça demande d’avoir le cœur ouvert pour ne pas juger trop vite».

« Il n’y a pas cette indifférence qu’on peut parfois trouver dans le monde européen, c’est la foi du charbonnier, une foi profonde », souligne-t-elle, revenant tout juste d’un enterrement d’une fillette de 9 ans atteinte d’une leucémie, avec sa famille. « Les gens étaient très reconnaissants parce que sinon rien ne se serait passé. C’est ça l’espérance, c’est ne pas se sentir seul, ne pas se sentir abandonné, et pouvoir communiquer cette proximité de Dieu aussi. »

« On est témoins de la beauté des hommes, on est aussi témoins de toute la laideur, Mais on voit les deux, la souffrance et l’espérance des hommes. On est dans la vérité de l’Humanité », conclut celle qui se sent « presque plus amazonienne que parisienne ».

 

 

(Source: Vatican News)

 

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