03 Juin 2025
Martyrs d’Ouganda : mémoire ardente et vivante d’un feu qui ne s’éteint pas
Par l'abbé Alexandre Kabera
« Le sang des martyrs est semence de chrétiens. »
— Tertullien
« Celui qui a reçu la foi ne peut pas la garder pour lui seul. Il est obligé de la transmettre, comme un feu sacré. »
— Pape Léon XIII
« L’Église doit aller à la rencontre des personnes là où elles sont, avec compassion, proximité, et avec le cœur du Christ. »
— Pape Léon XIV
L’aube d’un martyre : l’Afrique au rendez-vous de l’Évangile
Chaque 3 juin, l’Église entière tourne son regard vers cette colline de Namugongo en Ouganda où le feu a consumé des corps, mais n’a pu éteindre la foi. Là, dans la terre rouge d’Afrique, le témoignage de jeunes chrétiens brûle encore aujourd’hui d’un éclat éternel.
Charles Lwanga, Kizito, Mbaga, Mathias Mulumba, et leurs compagnons sont morts non pas pour une idéologie, ni pour une conquête, mais pour une relation : celle qu’ils avaient librement choisie avec le Christ Jésus. Ils étaient jeunes, joyeux, fervents ; ils portaient dans leurs cœurs la nouveauté de l’Évangile transmis par des missionnaires qui n’avaient ni armée, ni richesse, mais seulement la Parole et une foi contagieuse.
Quand l’Évangile est arrivé dans le royaume du Buganda dans les années 1870, c’est tout un monde qui a été bousculé. Le roi Mwanga, inquiet de cette nouvelle religion qui proclamait la liberté intérieure, l’intégrité morale et la dignité de chacun, a vu dans ces convertis une menace à son pouvoir. Mais ces jeunes pages, au service de la cour, ont préféré mourir que de renier leur foi ou d’obéir à des ordres immoraux. À Namugongo, ils ont prié, chanté, pardonné… et remis leur esprit à Dieu.
Une Église née du martyre, portée par l’esprit missionnaire
Pour comprendre ce que ce martyre représente, il faut se replacer dans le contexte de l’époque. À Rome, le pape Léon XIII, homme de vision et de prière, porte déjà dans son cœur le renouveau missionnaire. Dans son encyclique Ad extremas (1893), il écrit : « Il faut implanter dans le cœur des peuples les principes de la foi, non par la contrainte, mais par la persuasion, la douceur, l’exemple et l’éducation. »
Il comprend que l’Évangile n’est pas un bien européen, mais un trésor universel. Il plaide pour la formation de clergés autochtones, pour que l’Église ne soit pas simplement présente, mais enracinée. Les martyrs d’Ouganda incarnent cette vision : des laïcs africains profondément engagés, instruits dans la foi, assumant leur vocation missionnaire.
Léon XIII voyait loin. Il posait les fondations d’une Église inculturée, vivante et locale, bien avant les grands textes du concile Vatican II. Pour lui, chaque peuple est capable d’accueillir l’Évangile et de le faire fleurir dans sa propre langue, sa propre culture, son propre cœur.
Léon XIV : la Mission aujourd’hui, dans une Église synodale
Aujourd’hui, un autre Léon poursuit ce souffle prophétique. Le pape Léon XIV (Robert Francis Prevost), religieux augustin et missionnaire de terrain au Pérou pendant plus de vingt ans, incarne ce pont entre l’héritage missionnaire et les défis du présent. Il invite l’Église à une mission fondée sur l’écoute, la proximité et la synodalité.
Loin d’un modèle imposé, le pape Léon XIV parle d’une Église en chemin. Pour lui, chaque communauté chrétienne est missionnaire de par sa nature, et c’est ensemble, en peuple de Dieu, que nous sommes appelés à témoigner du Christ. Lors de sa nomination à la tête du Dicastère pour les évêques, il rappelait : « Le pasteur doit sentir l’odeur de ses brebis. La Mission naît d’une proximité radicale. »
C’est ce même esprit de proximité que les missionnaires du XIXe siècle ont incarné auprès du peuple ougandais. Et c’est ce même esprit que Mission foi — et plus largement les Œuvres pontificales missionnaires (OPM) au Canada francophone –, est appelée à raviver aujourd’hui.
Les papes ont fait le pèlerinage au site des martyrs de l’Ouganda
Le site des martyrs de l’Ouganda à Namugongo, lieu de pèlerinage majeur pour les catholiques, a reçu la visite de trois papes.
Paul VI – en 1969. C’est le premier pape de l’Histoire à visiter l’Afrique. Il a célébré une messe solennelle à Namugongo le 2 août 1969, en l’honneur des 22 martyrs ougandais catholiques canonisés par lui en 1964. Il a souligné l’importance des martyrs africains comme témoins contemporains de la foi.
Jean-Paul II – en 1993. Il a visité l’Ouganda du 5 au 10 février 1993. Il s’est également rendu à Namugongo pour prier et célébrer la messe en mémoire des martyrs. Son pèlerinage a renforcé le lien entre l’Église universelle et l’Église africaine.
François – en 2015. Il a visité Namugongo le 28 novembre 2015, durant son voyage apostolique en Afrique (Kenya, Ouganda, Centrafrique). Il a prié dans le sanctuaire anglican, puis célébré une messe solennelle au sanctuaire catholique de Namugongo. Il a souligné que les martyrs, catholiques et anglicans, sont un signe d’unité œcuménique dans le sang, et a appelé les chrétiens à un témoignage courageux de foi.
Ces visites montrent l’importance symbolique et spirituelle de Namugongo pour l’Église universelle, en tant que lieu de mémoire vivante du témoignage chrétien en Afrique.
Hériter, servir et transmettre
Nous, avec tous nos collaborateurs de Mission foi et des OPM au Canada francophone, portons un héritage précieux : celui des pionniers et des martyrs, des bâtisseurs et des témoins. Par la prière, la formation, le partage solidaire, nous prolongeons ce feu sacré. La Mission est aussi ici et maintenant : dans notre société pluraliste, dans nos diocèses parfois en décroissance, dans nos familles aux horizons spirituels divers. La Mission est d’abord une attitude intérieure, un « oui » profond à l’Esprit, une disponibilité à servir.
Les martyrs d’Ouganda nous enseignent que la Mission ne consiste pas à conquérir, mais à aimer jusqu’au bout. Léon XIII nous rappelle que cette mission est universelle. Léon XIV nous appelle à la vivre en Église synodale, avec courage et humilité.
Aujourd’hui, l’Afrique n’est plus seulement une terre de mission : elle évangélise le monde. Les Églises d’Afrique, nourries par le sang des martyrs et la foi des pauvres, envoient à leur tour des missionnaires dans les pays du Nord. Ce renversement est un signe des temps. Les martyrs d’Ouganda ont allumé un feu qui ne s’éteint pas. Il brûle aujourd’hui dans les cœurs de milliers de jeunes chrétiens africains, fervents, engagés, appelés à renouveler l’Église universelle.
(Photo: millhillmissionaries.com/the-pilgrimage-to-ugandan-martyrs-day)
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