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08 Déc 2023

Notre « oui » facile mais tellement difficile

Notre « oui » facile mais tellement difficile *

Par Alfonso Bartolotta, o.m.i.

Sénégal, 25 septembre 2005, dimanche : messe à Tanaff et ensuite à Manecounda. À 8h15, je quitte Temento, et cette fois-ci avec la nouvelle Toyota Hilux 2.8 D, étant donné la mauvaise route et la distance pour atteindre les deux villages les plus éloignés de la mission. Arrivé à Mangaroungou, je trouve Jean, infirmier du poste de santé, mais qui profite bien de l’occasion pour rendre visite à sa famille dans son village natal. Il lui faudra passer toute la matinée avec moi, avant de revoir les siens.

Une heure et quart de route, a priori goudronnée car faisant partie de la route nationale du pays. À vrai dire, il faut bien s’appliquer pour mettre les roues sur les bouts de goudron restants qui entourent les innombrables trous, parfois semblables à des gouffres ! C’est comme quand on se trouve devant un morceau d’Emmental, on voit très bien les trous, mais il faut chercher le peu de fromage ! Je suis pessimiste ? J’exagère ? Non, pas du tout ! Venez ici, voyez, et après vous me direz ! Je vous attends donc !

Nous arrivons enfin à Tanaff à 9h30. Jean descend pour ouvrir le portail en fer, mais voilà une première surprise : un âne broute tranquillement de l’herbe dans la cour de l’église. C’est donc un âne qui nous accueille et nous donne le bonjour du dimanche. Il y a un peu plus de 2000 ans, c’était un âne et une vache pour accueillir, dans leur maison-étable, bien chauffée par leur présence, les parents du nouveau-né nommé Jésus ! Pourquoi se plaindre donc : nous avons été bien accueillis !

C’est vrai, nous sommes dans un pays en voie de développement, mais ici on n’a pas besoin de la tondeuse à gazon car on se sert des moyens naturels et traditionnels, et en plus on économise ! Un âne spécial, pas comme les autres, car à sa patte avant droite traîne une longue corde au bout de laquelle, imaginez un peu, est attaché un amortisseur, pièce détachée d’une vieille bagnole accidentée et abandonnée quelque part ! Un âne qui avance lentement et pour cause : il a un seul amortisseur sur quatre… D’ailleurs l’âne – comme les chèvres, les moutons et les vaches – rend service en coupant l’herbe parfaitement à la même hauteur, mais tout en avançant, il laisse ses souvenirs personnels (et donc d’une part arrange et d’autre part dérange) un cadeau… dont on se passerait bien ! Quoi faire ? Ça fait partie de la vie !

Le grand portail en bois de l’église, à deux battants, est encore fermé à clé. Tandis qu’un chrétien se démène pour chercher la clé, un autre m’appelle et me dit : « Mon père, l’autre jour j’ai vu le musulman de la boutique, là-bas, qui emmenait paître son âne ici dans la cour. Mais c’est un lieu religieux ! » Je lui dis : « Oui, moi aussi je l’ai trouvé ici ce matin. » L’homme continue : « Ici on se moque de nous ! Imaginez qu’un chrétien fasse la même chose et qu’il emmène son cochon paître dans la cour d’une mosquée… Ce serait très grave pour lui ! »

La messe commence vers 10h15 : 18 personnes en tout, 10 hommes (dont 2 non originaires de Tanaff), 6 enfants et une seule femme qui allaite son bébé. Tout le monde prend place sans bousculade, car les bancs sont plus nombreux que les fidèles présents : deux rangs de bancs, dont 12 à droite et autant à gauche, séparés par l’allée centrale ; quant à moi, j’ai un trône et en plus deux tabourets. Pour ne pas me sentir seul, je mets la valise-chapelle sur l’un d’eux qui fera mon bras droit… en cas de nécessité !

Jésus nous livre la Bonne Nouvelle du jour par une histoire : un homme avait deux fils, il fait le premier pas vers eux et les invite, un à la fois et l’un après l’autre, à travailler à sa vigne. Le premier disant « non » refuse, mais ensuite s’étant repenti, il part. L’autre fils dit « oui », mais en fin de compte ne part pas. Le premier, par la dureté d’un « non », refuse et rejette sèchement l’invitation. Le second, fanfaron, tout en disant promptement son « oui » vantard, s’en moque et sabote l’invitation. Bizarrement, c’est celui qui a dit « non » qui fait le vouloir du père car il a l’humilité de racheter par un acte concret son précédent refus (Mt 21, 28-32).

Que de fois nous ressemblons au premier fils : durs et brusques par un « non », prêts à refuser, à ne pas bouger exprès, par orgueil ou par superbe, ou encore pour être cohérent avec nous-mêmes, tout en sachant être dans notre tort, voire fautifs. Mais ensuite, quand on se rend compte de notre réaction, nous avons presque honte et alors par le repentir, nous nous engageons et nous faisons ce que nous avions auparavant refusé ou rejeté.

Que de fois nous sommes comme le second fils : fanfarons par un « oui », en nous donnant l’air d’être meilleurs que les autres, mais tout reste pareil, rien ne bouge et rien ne change. Et pour justifier le manque d’effets, nous trouvons toujours des excuses prétendument valables.

Que de fois nous ne ressemblons ni au premier ni au second de ces fils, lorsque nous disons : « Quand je dis oui c’est oui, et quand je dis non c’est non ! » Et nous y tenons mordicus… pour le meilleur ou pour le pire ! Il nous arrive maintes fois, au cours de la journée, de répondre par « oui » ou par « non », oralement, par le portable, par e-mail, par un SMS ou par un simple geste de la tête. Nous avons du mal à accepter ceux qui nous disent ce qu’il faut faire et comment le faire, et alors par un gentil « oui » nous nous en débarrassons, et ensuite on fait ce qu’on veut. Que de gargarismes, sans collutoire, que de belles phrases dites et de déclarations faites du bout des lèvres, mais qui ne correspondent pas toujours à nos promesses ! Combien de « oui, oui, oui », gentiment dits, mais qui ne sont en réalité que des « non, non, non » ! Chacunde nous se connaît, et connaît les autres aussi… !

Que de fois, dans la réflexion, nous disons à nous-mêmes et/ou aux autres : « À partir de demain je prends la résolution d’être plus gentil. » Être gentil envers les autres tout court ou bien envers mon père, ma mère, mon fils, ma fille, mon mari, ma femme, mon copain, ma petite amie, mon grand-père, ma grand- mère, mon beau-père, ma belle-mère, mon beau-fils, ma belle-fille, mon patron, ma collègue, mon prochain- étranger, ma voisine, mon confrère, ma consœur, mon supérieur(e), mon curé, mon évêque, etc.

Que de fois, dans le monologue avec nous-mêmes, ou en dialoguant avec les autres, nous disons : « Désormais je m’engagerai davantage et je ferai mieux, sérieusement. » S’engager en général, ou précisément au boulot, en famille, au bureau, à la Fac, dans les études, dans ma vie professionnelle, relationnelle, spirituelle, communautaire, paroissiale, etc.

Que de fois, dans la prière personnelle, chacun de nous s’est dit ou a dit à Dieu : « Je veux devenir meilleur, désormais je changerai d’attitude, j’irai à la messe, je serai plus tolérant », mais souvent sans suite…

Qui de nous, que ce soit dans la vie humaine, professionnelle et interpersonnelle, ne s’est jamais trompé, n’a jamais trompé les autres, n’a jamais été trompé par les autres, au moins une fois ! Et tout cela pour avoir dit un simple « oui » ou « non ». À notre parole hélas ne succède pas toujours l’action, et les deux dimensions souvent ne coïncident pas… Pour tout homme, le rapport entre le dire et le faire reste un véritable dilemme. Il nous faut redécouvrir à la fois le repentir et la sincérité du cœur au quotidien.

Lors de la prière universelle, dans le silence entre une intention et l’autre, une maman arrive avec sa petite d’environ trois ans, toute mignonne avec son grand chapeau blanc. Voilà une deuxième surprise, difficile à comprendre aussitôt : on entend comme une musique, régulière et rythmée, semblable à une sonnerie de portable. Le son, en réalité, était le fruit des pas de la petite car elle portait des chaussures sonores, probablement made in Chine ou in Taiwan. Chaque fois que son pied atterrissait au sol, la chaussure émettait un son… suffisant pour attirer l’attention ! La messe continue malgré ces étranges aventures, et à la sortie le nombre des fidèles a doublé, mais il y avait un absent : l’âne. Hélas ! J’aurais voulu lui dire tout simplement au revoir ! Se serait-t-il rendu compte qu’il a brouté dans la cour d’un lieu religieux ? Serait-t-il parti enfin brouter dans le champ de son propriétaire ? Qui pourra le savoir… Peut-être « oui », peut-être « non » !

Morale de l’histoire : À quoi bon faire du cinéma, paraître, faire le rôle de figurant devant Dieu et les autres ? Il faut se décider à être des vrais protagonistes de la vie et à la servir pour de bon.

 

* Texte tiré de la revue Missioni OMI, n. 4, octobre-décembre 2023 (www.missioniomi.it)

(Photo: Flickr / Roger Wasely)

 

 

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