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16 Oct 2024

Témoin d’espérance en Haïti au milieu d’un peuple écrasé et purgé

Par Joseph Charles, o.m.i.

Prêtre haïtien, religieux-missionnaire oblat de Marie-Immaculée, je vis dans un pays englué dans la misère et la violence. C’est journellement que mon cœur entend le cri du pauvre peuple. Le cri du pauvre d’Haïti traverse les cieux pour rejoindre les oreilles de Dieu. Un cri qui exprime solitude et souffrance, déception et exclusion, mais également désir d’espérance. Je ne cesse de me demander: le peuple haïtien doit-il être, toute sa vie, abandonné à son misérable sort ou doit-il être secouru? Quand un pauvre crie, le Seigneur n’entend-il pas ?
Un témoin qui fait route avec
Je suis témoin aux côtés de mon peuple pour reconnaitre que vivre en Haïti est quasi corvéable. Car le mal de vivre ou de survivre des millions d’Haïtiens s’est aggravé de jour en jour au lieu de trouver des réponses satisfaisantes. Les meurtris – manquant de tout – sont exposés à tous les dangers. J’entends les cris « au secours » des domiciliés des trottoirs et des bidonvilles de mon pays, du nord au sud, de l’est à l’ouest. Mes yeux se lassent de voir trop d’enfants se traîner sur les chemins d’Haïti pour ensuite mourir dans l’indignité. J’ai dit un jour : Trop d’enfants innocents sont torturés et martyrisés par la faim. Trop de personnes – de nos bidonvilles et de nos quartiers populaires – insultées par le manque d’amour et de pain. Trop de personnes devenues des rebutés sur qui nous fermons les yeux. Trop de citoyens enchaînés vivants aux ténèbres de nos méchancetés et de nos injustices. Trop de jeunes, sans éducation ni instruction, sans avenir, sans vêtements, sans logis, sans personne à qui recourir. Trop de pauvres, laissés-pour-compte dans ce pays prédateur de la vie, tombeau de la foule anonyme. N’ont-ils pas le droit de célébrer la vie et éprouver la joie de vivre ?
Prendre conscience que les souffrances du peuple sont insupportables
Il m’arrive souvent de me demander : pourquoi tant de douleurs, tant de misères et tant de cris? N’est-ce là que Dieu lui-même se fait visage? En tant que religieux-missionnaire, je réalise qu’il faut prendre soin du peuple haïtien en l’aidant à devenir un peuple nouveau, libéré et régénéré. Cela implique un combat constant et permanent dans la fidélité au Christ, premier prêtre et pasteur. Car depuis que j’ai pris conscience que les souffrances de mes sœurs et frères haïtiens sont insupportables, je ne peux que m’engager à annoncer la Parole de Dieu de manière à relever et redresser celles et ceux qui sont brisés, courbés et cassés, à libérer de toutes formes  d’esclavage, en m’efforçant de devenir  « sel » qui donne goût, « lumière » qui éclaire, et « ferment » qui fait lever la pâte.
Dénoncer une violence polymorphe et protéiforme
Nous vivons dans un climat de violence. Il y a la violence dans le domaine économique par suites de crises aiguës et de détournement de fonds par des dignitaires; des dévaluations monétaires répétées, du chômage planifié et du coût social élevé que paient les plus pauvres et les sans-protection. Il y a la violence sur le plan politique, car le peuple est privé du bien-être démocratique; il y a violations graves des droits de l’Homme par la pratique inhumaine des enlèvements et des assassinats. Il y a la violence qui s’exerce sur les institutions morales et éducatives du pays. Il y a la violence psychologique s’exerçant sur la santé mentale de la population dans diverses tentatives d’abêtir le peuple. Il y a une violence sociale où l’injustice devient une loi incontournable de réussite pour les gouvernants et d’anéantissement total pour le peuple.
Le peuple haïtien vit beaucoup d’épreuves. Des êtres humains – tenaillés par les péripéties de la vie – appellent au secours. Des milliers de parents inquiets et déstabilisés par les souffrances de leurs enfants et leurs petits-enfants, pris dans l’étau de la délinquance juvénile. Ils sont plusieurs millions, abattus par la faim, défigurés par la misère et, pour cause, meurent quotidiennement, goutte à goutte. Ils sont plusieurs millions, victimes de la pauvreté matérielle, du kidnapping, des guerres fratricides, des luttes intestines, des catastrophes, des aléas naturels, de la famine, des épidémies. Ils sont plusieurs milliers de personnes à mourir aujourd’hui encore du choléra; plusieurs millions, victimes de la destruction de l’environnement; plusieurs millions, victimes du trafic d’êtres humains; plusieurs milliers à être vendus tel un bétail. Certains sont contraints à la domesticité, tandis que d’autres sont tranchés et leurs organes sont vendus pour l’entretien de la santé des riches. Je suis témoin de tout cela au cœur de mon champ pastoral.
Aider le peuple à se redresser et se tenir debout malgré tout
La population – avec les deux jambes plantées dans la réalité – lutte en vain pour l’électricité, l’eau, le pain, les soins de santé, la nourriture, le logement, l’éducation, etc.  Avec une population majoritairement misérable, une culture de mort s’installe et hypothèque tout l’avenir. Car de la pauvreté matérielle la population est tombée dans la misère émotionnelle voire existentielle. Pataugeant, pour ainsi dire, dans une confusion totale, la population crie sa désolation. La population crie au secours.
Cependant, malgré sa détresse et son impuissance devant tant de besoins élémentaires non satisfaits, elle n’entend pas céder à la fatalité ni au défaitisme. Elle fait le choix de se tenir debout, parce qu’elle est animée d’une espérance qui la fera passer au travers les bas-fonds de la vie.
À chaque eucharistie, je prends le soin de présenter à Dieu toutes ces personnes souffrantes (mal dans la chair, mal dans l’esprit et mal dans l’âme), qui se demandent : « Qu’est-ce que j’ai fait de si grave pour mériter de souffrir autant? ». Je me fais solidaire de toutes les personnes, pataugeant dans la misère, la solitude et l’isolement. Je prends toujours comme boussole l’homme de Nazareth qui a marché sur nos routes humaines, qui a fait l’expérience des épreuves les plus atroces dans sa vie, en reconnaissant que c’est lui la raison de notre espérance. Je n’oublie jamais qu’il a consolé les femmes qui pleuraient au Calvaire; qu’il a valorisé les enfants en les accueillant; qu’il a sauvé les malades en disant à chacun « Lève-toi. Sois guéri »; qu’il a multiplié les pains aux affamés et donné son sang aux assoiffés; qu’il est mains tendues aux blessés du malheur… Malheur de tout genre!

Ainsi, il m’incombe la mission de faire tout ce dont je suis capable pour aider les pauvres d’Haïti à être affranchis de la misère, à trouver plus sûrement leur subsistance, la santé, un emploi, à être plus instruits et être à l’abri des situations qui offensent leur dignité. De la sorte, chaque Haïtien aura l’opportunité d’être l’artisan principal de son devenir en humanité. Il le réalisera dans un processus d’« avoir plus » et d’ « être plus » dans le dessein de Dieu, son Créateur.

Que le Dieu de la VIE fasse renaître l’espérance et le goût de vivre dans le cœur de chaque Haïtien.

 

 

 

 

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