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16 Mai 2025

Les visages de l’action missionnaire de Léon XIV au Pérou

Entre Chicago et Rome, Léon XIV a exercé une grande partie de son ministère pastoral au Pérou, comme missionnaire, puis évêque. Retour sur ses années péruviennes avec le père Hubert Boulangé Allègre, fidei donum au Pérou depuis plus de trente ans.

Par Jean-Charles Putzolu

Entre Chicago, sa ville natale, et Rome qu’il a rejointe en 2023 pour présider le Dicastère pour les évêques, Léon XIV a exercé une grande partie de son ministère pastoral au Pérou, comme missionnaire, puis évêque de Chiclayo, diocèse qu’il a affectueusement salué dès sa première prise de parole le soir de son élection sur le trône de Pierre jeudi 8 mai. Retour sur ses années péruviennes avec le père Hubert Boulangé Allègre, fidei donum au Pérou depuis plus de trente ans.

Une population majoritairement catholique dans un contexte de croissance des Églises évangéliques, une société où l’Église dénonce l’augmentation exponentielle de la violence, un pays qui cumule les crises politiques et dont pas moins de trois anciens présidents sont incarcérés; une pauvreté extrême largement répandue et une richesse concentrée entre les mains de quelques-uns. Tel est, succinctement, le Pérou dans lequel le pape Léon XIV a passé la plus grande partie de sa vie de pasteur. On le décrit proche des gens, des minorités, attentif aux situations de détresse. Quelle a été son action missionnaire sur le terrain, son action sociale, et comment son expérience peut-elle être mise maintenant au service de l’Église universelle? Entretien avec le père Hubert Boulangé Allègre, prêtre fidei donum depuis plus de trente ans au Pérou.

Le cardinal Robert Prevost a choisi de se faire appeler Léon XIV, dans une référence claire à Léon XIII, présenté comme le premier pape « social ». En matière de justice sociale, précisément, quelle a été l’action du nouveau pape lorsqu’il était d’abord prêtre, puis évêque au Pérou?

Ce qu’il a fait est considérable! Il a eu l’occasion de travailler dans quatre diocèses différents. D’abord comme prêtre, au début de son sacerdoce, dans une petite prélature, au nord du Pérou, vers la frontière avec l’Équateur, pendant deux ans, il a fait tout un travail social dans cette région. Il a mis en place la Caritas. Il a fait des choses tout à fait remarquables. Il a aussi constitué une nouvelle paroisse. Constituer une nouvelle paroisse, cela signifie qu’on vous donne un territoire au sein duquel vous devez analyser le profil des communautés chrétiennes et la mission que vous allez lui confier. Il a été brillant. À Chiclayo, où il a succédé à des évêques très conservateurs, il a ouvert l’Église sur les champs du service et de la diaconie. Et tout en étant évêque de Chiclayo, à 780 kilomètres de de Lima, il a été pendant un an envoyé par le Pape pour régler des problèmes dans un diocèse proche de Lima. Il a été l’administrateur de ce diocèse où il y avait une très grande fracture entre la société et l’Église. C’était un problème complexe et il a fait un travail formidable, toujours dans le sens du consensus, du dialogue et de l’écoute. C’est un homme qui écoute beaucoup et qui écoute avec une très grande présence, une grande discrétion, y compris des choses qu’il n’avait pas forcément envie d’entendre.

 

Quel a été son rapport avec les milieux politiques péruviens dans un pays qui, aujourd’hui encore, compte pas moins de trois présidents emprisonnés?

Les relations sont toujours complexes. On ne peut pas s’opposer frontalement avec l’État parce qu’on fait un peu partie de cette construction de société. Mais il n’a jamais manqué de souligner les erreurs, les impasses, les abus, surtout par rapport aux minorités, aux minorités sociales, aux minorités ethniques. On pourrait trouver des quantités d’allusions de sa part où il met en lumière les valeurs des gens qui sont oubliés dans la société. Il a fait énormément de travail dans ce sens.

Comment son expérience peut-elle être mise au service de l’Église universelle?

Ce qui est très, très intéressant chez le pape Léon XIV, c’est que son expérience, comme prêtre et comme évêque, est une expérience missionnaire à 100%. Le temps qu’il a passé au service de l’Ordre des Augustins, à la fois comme responsable provincial et après comme prieur général, l’a amené à travailler la question missionnaire dans toute sa dimension; c’est à dire à la fois les concepts et en même temps la réalisation. Comme prêtre et comme évêque au Pérou, il a été très exposé à tout ce qui relève de l’activité missionnaire, qui est d’ailleurs la caractéristique de l’Église d’Amérique latine et particulièrement du Pérou. Il a pris en compte la présence de groupes religieux non catholiques qui s’alimentent des besoins de la société auxquelles l’Église catholique a du mal à répondre. Il a su maintenir à la fois un dialogue et en même temps faire preuve de fermeté sur ce qui constitue la catholicité de l’Église catholique. Ensuite, il y a la diffusion de la violence, qu’il s’agisse de violences domestiques, familiales, ou de violences institutionnelles de la société; une société au sein de laquelle des gens très riches et des gens très pauvres, c’est déjà une violence en soi. Dans ce contexte, il faut construire des ponts, éviter les condamnations brutales, et en même temps rappeler clairement -ce qu’il a très bien rappelé dès son premier discours à la première minute de son pontificat- que la paix est le seul chemin qui nous conduit à la vérité et qui nous conduit à Dieu. C’est important. Il a rappelé le message de paix du Christ, de la résurrection et que travailler à la paix, c’est travailler à la Mission.

Quelle était sa manière de monter au créneau pour défendre les droits de ceux qui sont sans droits, pour être la voix de ceux qui sont sans voix?

Je crois pouvoir dire tout d’abord, qu’il a toujours parlé au nom de l’Église, au nom de son diocèse, au nom des chrétiens. Il n’a pas voulu individualiser ses prises de positions, mais il les a faites au nom de l’Église; c’est-à-dire finalement au nom de la mission, du message du Christ. Il est porteur de la Parole, et il apporte avec lui le poids de cette Parole. Ce n’est pas sa Parole, mais la Parole du Christ et de l’Évangile qu’il sait répercuter et il cite toujours des quantités de textes bibliques, d’ailleurs connus, que les gens ne sont pas étonnés d’entendre. El sait très bien les situer dans le dialogue. Il nourrit sa réponse de la Parole de Dieu, ce qui fait que sa Parole, ce n’est pas seulement la sienne, mais aussi celle de l’Église.

Nous sommes au cœur du Jubilé de l’espérance. Comment a-t-il été porteur d’espérance au milieu des siens?

À mon avis, il a gardé trois aspects qui sont propres à l’Église d’Amérique latine. Je pense qu’il a il a travaillé le fait que l’Église est une Église pauvre, et en Amérique latine particulièrement. La pauvreté de l’Église n’est pas seulement la pauvreté matérielle des gens, mais c’est aussi la pauvreté de l’éducation, la pauvreté de différentes catégories socioprofessionnelles, les mineurs, les pêcheurs, les agriculteurs, etc. Il a toujours laissé la parole aux minorités existentielles, aux minorités ethniques et sociales. Deuxièmement, je pense qu’il a toujours été missionnaire au sens où l’entendait le pape François, c’est-à-dire présent dans les périphéries. Et troisièmement, il a représenté une Église pascale, une Église qui jette des ponts. C’est la mission que nous avons tous comme baptisés, permettre des passages dans toutes les aventures et mésaventures de la vie. Le Pérou est un pays qui a vécu beaucoup de désastres naturels, des tremblements de terre, des inondations, etc. Les crises ne manquent pas, les violences non plus. Pendant 20 ans, le Sentier lumineux a fait près de 80 000 victimes et causé des souffrances de toutes sortes. Dans toutes ces souffrances, le nouveau pape Léon XIV a toujours eu un langage pascal pour que cette souffrance soit un passage, non pas une fatalité, mais l’occasion de construire un pont nouveau vers nos prochains et franchir les affres de la vie avec la perspective d’une vie nouvelle.

 

 

(Source: Vatican News / Photo: ANSA)

 

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